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Hugo Friedrich à propos de la « sagesse épicurienne » de Montaigne

11 septembre 2010
« Jouir de sa propre humanité, de son union vibrante avec le Tout à la fois dissonant et harmonieux, en exige, il est vrai, une conscience très claire, source de gratitude. […]. Et cette gratitude, née de la connaissance de soi est à son tour la source de sa quiétude. L’homme qui a tant souffert et si bien connu l’inquiétude, chez autrui, dans sa propre personne, dans tout ce qui existe, le voilà armé, au cœur même de son être, d’une tranquillité qu’il préserve au milieu des changements et des tourments en se livrant à leur agitation. » (Hugo Friedrich, Montaigne, ch. VII « La sagesse de Montaigne », coll. « Tel », éd. Gallimard, p. 338.)
19 commentaires
  1. ashdee permalink

    Quel es tle sens de "se livrant": se donnant ou participant?

  2. Benjamin permalink

    Eh bien les deux en fait. Ce qui préserve sa quiétude, c’est la "conscience" qu’il a de ce mouvement où il est pris et dont il participe.Pour utiliser une image, je dirais que pour Montaigne, le sage est celui qui – sans aucune arrière-pensée stratégique – sait surfer sur les vagues et ne pas se laisser submerger et noyer dans les tourbillons de sa vie.

  3. Benjamin permalink

    Bref, quelqu’un qui gardera au mieux son équilibre dans ce mouvement universel, du monde et de lui-même, en le réajustant sans cesse aux circonstances – à ce que les Grecs appelaient le "kaïros", le contingent, l’événement.

  4. Benjamin permalink

    Et qui jouira de faire ainsi l’expérience de vivre, ce que Montaigne appelle l’ "essai" de la vie.

  5. Loofy permalink

    jouir de sa propre existencene serait-ce pas de la masturbation ?remarque… du moment que les gens ne s’endorment pas aprèset qu’ils restent bien vivant… ;-)))en fait, la question que je me posepartant du postulat que je suis totaleme,t OK avec Ton’taignec’est : est-il besoin de conscientaliser cela pour être vivantheureux les simples d’esprits aussi, non ?!bref, belle vie à tout le monde

  6. Benjamin permalink

    C’est ce qu’il dit aussi, mon bon Taigne, exactement ainsi. Ne pas se laisser perturber trop par le dérèglement de son esprit. Et parvenir à une "docte ignorance", une ignorance savante en quelque sorte, qui est arrivée au mot de Socrate : "Je sais que je ne sais pas." Joli, non ? Et joli programme de vie pour nos temps mouvants.

  7. Loofy permalink

    hé oui.. l’UN culture te mène à toiet la culture peut-être à l’autre…perso, je serais plutôt un ininculte…;-)

  8. ashdee permalink

    J’aime bien Benjamin quand il cite des textes de Sontaigne ou d’autres. On croit que ce sont eux qui l’ont éclairés; qu’en lisant ces mêmes textes on deviendrait aussi intelligent que lui. Ce qu’il ne dit pas c’est qu’il avait de l’avance, lui, avant de lire. J’aime bien la modestie avec laquelle il nous enseigne; sur le moment c’est assurant; on comprend tous les mots (ou presque). A la fin de la lecture, quand j’ai rien compris et que je demande des éclaircissements …

  9. ashdee permalink

    … on voit la différence: lui explique, moi je patauge. Et lui (Benjamin) de nous en remettre une couche voulant dire: "qui c’est le prof ici?". Vraiment trop fort! Franchement, tu devrais essayer d’écrire des essais. Je serai ton premier lecteur, quitte à être obligé de relire trois fois pour assimiler. C’est si bien écrit, tellement ludique, Je ne m’en lasse pas.

  10. Benjamin permalink

    Merci Ashdee. Etre prof, c’est pour moi essayer de "donner à voir", "donner à sentir", et "donner à comprendre" ce que j’ai eu la chance, pour mille ou trois raisons, de voir, de sentir ou de comprendre. Et Montaigne, que j’ai découvert grâce à un prof de français en Terminale (en 1986, dame !) est de cette trempe là, pour qui le savoir est un plaisir triste s’il demeure incommunicable.

  11. Benjamin permalink

    Sur ce, je pars reposer la tête en faisant de la barque à Vincennes pour goûter les douceurs de l’été revenu.

  12. ashdee permalink

    Après nous avoir fait ramer, c’est à ton tour. Bonne balade.

  13. Angel permalink

    j’adore cette citation, je la prends chez moi !!

  14. Benjamin permalink

    Angel, Loofy, Ashdee, vous aimeriez certainement beaucoup Montaigne. Dommage que sa langue soit à ce point éloignée de celle que nous connaissons aujourd’hui ! C’est un type drôle, plein d’amour pour la vie, même pour ses côtés difficiles et douloureux, parce que… c’est la vie et qu’il serait contre nature de ne pas l’aimer. Un type bien.

  15. Benjamin permalink

    Ashdee, tu ne pataugeais pas du tout. Ta question était complètement fondée, et m’a obligé à réfléchir et à préciser. Je pense que tu aimerais aussi Montaigne pour cette raison : il ne cessait de se dévaloriser, comme quelqu’un qui cherche sa réalité en fuyant tout orgueil trompeur.

  16. ashdee permalink

    Je le lirai prochainement Benjamin. Juste parce que tu en parles avec tant de conviction que je ne peux que te croire.

  17. Benjamin permalink

    Ses grandes "thèses" se trouvent dans le chapitre 12 du livre II, intitulé "Apologie de Raymond Sebond". Mais j’aime beaucoup dans le livre I les chapitres 25 et 26, contre le pédantisme et pour l’éducation.

  18. Benjamin permalink

    Toujours au livre I, j’adore son adresse au lecteur, et les quatre premiers chapitres. Le chapitre 8, "De l’oisiveté", explique comment il lui est venu en la fantaisie d’écrire : il voulait se retrouver tranquillement chez lui pour méditer, et, une fois seul, il a constaté le bordel de son esprit ! Très amusant.

  19. Benjamin permalink

    En fait, il faut lire ces Essais comme on butine. Prendre le chapitre dont le titre a priori nous intéresse, et commencer à lire. La façon dont il traite (ou no, parfois !) le sujet que le chapitre expose est toujours étonnant, divers, mêlé, sans jamais vraiment conclure ; comme un chat jouerait avec une souris de vif -argent (le nom du mercure, jadis), et se plairait à ce seul jeu – à la chasse, plutôt qu’à la prise, pour reprendre une image montanienne.

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